CONCLUSION:


          Un projet pédagogique d'E.P.S. "bien conçu", doit renoncer, selon nous, aux illusions suivantes :
                    - à l'"illusion synoptique (48)" qui consiste à viser "toute" l'hétérogénéité des élèves de l'établissement scolaire auquel il s'adresse par les intentions éducatives adoptées et les objectifs,
                    - se contenter d'objectifs dont la formulation recouvre un champ trop large et mal défini de ce qui est sensé faire l'objet d'apprentissages, ou d'un contenu trop faible, bien qu'un contenu prédictif trop élevé puisse créer des difficultés insurmontables.
                    - à l'illusion déterministe qui consiste à croire, qui si nous connaissons à l'avance les caractéristiques des élèves, et les connaissances scientifiques sur le développement de l'individu ou l'apprentissage moteur, nous sommes en mesure de pouvoir fixer, par exemple, des critères de réussite aussi précis que nous le voulons et applicables après n'importe quelle durée d'apprentissage.
Pour résumer, nous dirons que seul un projet entièrement conçu de manière fragmentaire, c'est-à-dire en fonction de procédures d'identification et de traitement des problèmes les plus urgents (49), pour des périodes relativement courtes, à travers ses objectifs et les niveaux à atteindre, permet de diminuer de manière significative tous les problèmes que nous avons évoqués.
          Malgré l'argumentation que nous avons développée dans notre dernière partie, nous considérons qu'il n'est pas illusoire de concevoir des projets pédagogiques même si nous savons pertinemment qu'il n'existe aucune théorie de l'enseignement, et même si les "théories" sur la méthodologie du projet pédagogique d'E.P.S. ne sont pas davantage corroborées. Parce qu'il est impensable que tout soit rationnellement déterminé dans notre domaine. Parce qu'il est sans doute plus dangereux encore pour notre discipline de s'obstiner à tant de rationalité, que d'admettre ouvertement et honnêtement qu'il y aura toujours nécessairement une part assez importante d'irrationalité, de hasard, et de subjectivité dans ce que nous faisons.
          Certains interprèteront la précédente phrase comme une tentative de dévalorisation des efforts entrepris dans le domaine de la recherche pour tenter d'expliquer les problèmes qui concernent l'éducation physique et sportive, afin de rendre toujours plus rationnel et systématique l'acte didactique et pédagogique. Nous pensons, au contraire, que c'est sans doute rendre un meilleur service à la rationnalité et à la recherche dont le but est l'édification de connaissances objectives que de tenter d'en rappeler les limites, et que cette démarche n'est en rien une exhortation au fatalisme ou à l'immobilisme.
       Il y aura donc toujours quelque chose de définitivement rebelle à nos tentatives de théorisations malgré les tenaces et frauduleuses prétentions de scientificité de mythologies superstitieuses ou d'idéologies closes comme la psychanalyse et le marxisme par exemple, lesquels n'ont cessé de "noyauter" l' E.P.S. en France, et qui vu tout ce "fatras" didactique (dont parle Jean-Pierre Famose, et qui est probablement le produit de ce noyautage) où il faut "faire prendre conscience", "verbaliser", à tout crin (la mode de la verbalisation est selon nous un "transfert" méthodologique voire un passage en force réussi par l'idéologie psy), motive notre engagement épistémologique et critique afin de défendre l'idée qu'il est finalement vain de vouloir s'acharner à être "scientifique" là où l'on ne peut l'être, ou à croire que quelque chose de rationnel  comme une conjecture, une théorie, est indubitablement relié à quelque chose de réel parce que parfaitement structuré d'un point de vue logique, ou bluffant grâce à l'utilisation de symboles, d'images, d'analogies, d'ambivalences, relevant plus d'une scolastique verbeuse que de théories ayant un contenu et une portée scientifique véritable.
 
 
 

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